Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

vendredi 27 avril 2018

Jack Stauber - HiLo (2018)


  Jack Stauber est un jeune (22 ans) musicien américain basé à Pittsburgh. Indépendant, il est à la tête de deux groupes, Zaki et Joose, et mène en parallèle sa carrière solo, ce qui fait de lui une des figures de la musique de la ville : il a par exemple joué plus de 100 concerts rien qu'en 2017 au sein de la salle Basement Transmission dans la plus petite ville d'Erie qui fédère toute une scène locale bouillonnante. 

  Je suis tombé un peu au hasard sur lui, un commentaire sous un article du site musical Stereogum mentionnant l'obsession de son auteur pour un court extrait vidéo, sorte de fausse pub en dessin animé pour des bonbons à la menthe, accompagné d'une courte mais obsédante chanson chantée avec une certaine Lexy, j'ai nommé "Peppermint", que je vous laisse découvrir ci-dessous :

Jack Stauber & Lexy - Peppermint (2018)

  A mon tour obsédé par cet exercice de style pop-art post-vaporwave, façon The Who Sell Out version néo-80's/90's et par sa chanson catchy, j'ouvre la page d'accueil de sa chaîne youtube que je pensais d'abord dédiée à de brefs exercices du même style, provenant sûrement d'un étudiant en art plus doué que la moyenne (il y a de nombreux courts-métrages concis, de petits sketches en fait). Je découvre alors que Stauber est avant tout musicien, et j'entends le premier single de cet album nommé HiLo, la belle pop song "Dead Weigh", synth-pop gothique et joueuse à la fois, quelque part entre Ariel Pink et tout un tas d'autres trucs chouettes :

Jack Stauber - Dead Weight (2018)

  Cet album est déjà le 3e en solo de Stauber, mais celui-ci a depuis un peu renié le premier, arguant avoir trouvé son style sur le précédent, Pop Food (2017). Et le moins qu'on puisse dire, c'est que même si la comparaison avec le duo Ariel Pink / John Maus est inévitable tout au long du disque (cf les déglinguées et mémorables "Pad Thai" et "O.U.R."), Jack Stauber a un style très personnel, particulièrement intéressant. Ces influences se retrouvent mêlées à du Metronomy période Nights Out et un chouia d'acid house en fond sur "Cunk", qui vire indie-rock néo-80's puis chillwave et enfin IDM sur la fin. Ce qui est symptomatique de ses morceaux à tiroirs, qui partent dans tous les sens mais n'en font pas trop en même temps, à la manière de la pop zapping post-playlists de MGMT, Ariel Pink, Of Montreal ou Foxygen

  Des morceaux plus sombres comme le gothique "Coconut Ranger" peuvent évoquer le post-punk en général et en particulier The Cure, ou New Order ("Databend"), tandis qu'une certaine élégance dans le songwriting fera penser aux Beach Boys, un grain de folie d'une beauté pure à Syd Barrett ou un son de synthé bien trouvé à Homeshake. Sa folie douce et malicieuse évoquera aussi le trublion MacDemarco comme sur le rock indé jazzy de "Leopard" qui se permet une syncope 80's à la Devo ou XTC et un petit détour par la musique de cirque comme un clin d'oeil appuyé aux Beatles de Sgt Pepper. Ces derniers sont rappelés, ainsi que le spectre des Talking Heads, sur la géniale "Beird" (la rythmique aquatique est géniale même si R Kelly avait déjà eu l'idée). Mais si je convie toutes ces influences, ce n'est pas parce tant que sa musique soit si référencée que ça ou même passéiste, surtout pas. Elle est très moderne et personnelle, au contraire. Non, ces analogies sont surtout un moyen de décrire une musique très riche, libre et difficilement à ranger dans des cases trop étroites.  


  Il sait se faire également funky dans "John & Nancy" lointaine descendante de Chic au songwriting rappelant l'alchimie magique entre Nile Rodgers et David Bowie sur Let's Dance. Et puis émouvant comme sur l'intense et plutôt déchirant "It's Alright", chanson qui illustre à merveille la difficulté de réconforter ou le déchirant déni qui aide parfois à tenir. La fragilité de ce morceau, sa sensibilité insistante et son côté dramatiquement inévitable la rendent parfaite dans son genre. De même que la superbe "Small World", quasi folk indé, agrémentée quelques textures électroniques que n'auraient pas reniés les Animal Collective, et qui arrive également à percer nos petits coeurs sans effort. 

  Souvent, ces démarches s'entrecroisent et le goofy rencontre le funky comme sur "Gettin' My Mom On", entre Stevie Wonder et une comptine jouée sur un synthé cheap (on pense fort aux Blludd Relations là). Ou sur la pop chorale extatique de "Pizza Boy" entre glam rock façon Sparks, pop héroïque à la Arcade Fire et électronique pouet pouet. 


  L'album se termine sur un son de télévision qu'on éteint, qui clôt la boucle entamée avec "Peppermint", mettant ainsi fin à un des albums les plus inattendus et les plus jouissifs de cette années 2018. Entre collages, pop art, grandes chansons, émotion, fun et sons géniaux, Jack Stauber vient définitivement de se faire un nom dans la liste des défricheurs pop incontournables. 


Ecouter sur son Bandcamp, ou son Soundcloud, ou Spotify, ou Deezer


Alex


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