Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

vendredi 24 février 2017

La Playlist #11 : A Beginner's Guide To Hip-Hop






  Alors, pour faire court nous avons été missionnés par certains de nos lecteurs pour cette playlist. Pour la plupart venus du rock, de la pop et un peu de l'électro, ils ont en général du mal avec le hip-hop en général. Ça tombe bien, parce que nous venons aussi d'un background plus pop/rock et nous avons succombé au rap par la suite. Nous allons donc vous livrer un bon paquet de morceaux-clés, comme autant d'habiles passerelles pour déverrouiller les oreilles réfractaires selon leurs goûts actuels. 

  Plutôt qu'un article chronologique reprenant l'histoire du mouvement (que vous trouverez ailleurs en mieux foutu que si nous le faisions, mais que nous pourrions quand même faire si vous le souhaitez), ou une playlist des morceaux qui nous ont fait basculé (ça c'est séduisant comme idée, on le fera si vous voulez, demandez-le en commentaires si c'est le cas), nous avons opté pour un chemin de traverse bordélique et généreux : une liste en vrac de plein de morceaux classés plus ou moins sérieusement par affinités avec des genres et des styles musicaux très divers, dans laquelle vous pouvez piocher allègrement suivant vos goûts. 


Peut contenir des traces d'humour ou de mauvaise foi. 
En espérant que ça vous plaise ! 



Si vous aimez le jazz, vous aller adorer écouter :


Si vous aimez :
-Le jazz new-yorkais : Nas - The World Is Yours
-Le scat : Kendrick Lamar - For Free?
-Les orchestres jazz : Guru - Down The Backstreets 
-Bitches Brew de Miles Davis : D'Angelo - Playa Playa
-Le jazz-funk smooth : Warren G & Nate Dogg - Regulate
-Le jazz vocal (un peu électronique) : Anna Wise - Precious Possession
-Herbie Hancock : 7 Days Of Funk - Faden Away
-Louis Armstrong : Kweku Collins - Letters
-John Coltrane : Flying Lotus - Never Catch Me
-Thelonious Monk : Earl Sweatshirt - Off Top



Si vous aimez la pop et le rock, vous aller adorer écouter :


Si vous aimez :
-Le rockabilly : A Tribe Called Quest - We The People
-L'intelligence des prods de DJ Shadow : Kanye West - Two Words
-La New Wave : Drake - Feel No Ways
-Le psychobilly : Janelle Monaé - Come Alive (War Of The Roses) Live 
-Le rock psyché : De La Soul - The Magic Number
-La pop psyché : Action Bronson - Easy Rider
-Les mélodies à siffler sous la douche : Travis Scott - Antidote
-La cold wave : Vince Staples - Lift Me Up
-Le rock indé : The Flatbush Zombies - Bounce
-Le punk : Ol' Dirty Bastard - Got Your Money
-AC/DC : The Beastie Boys - No Sleep Till Brooklyn
-The Residents : Danny Brown - When It Rain
-Thee Oh Sees & le punk hardcore : Death Grips - Giving Bad People Good Ideas
-Le rock des années 2000 : NERD - She Wants To Move
-Les riffs de guitare : Tyler, The Creator - DEATHCAMP
-Partir en manif : NWA - Fuck The Police
-Voter Malin : YG - Fuck Donald Trump
-Rage Against The Machine : Run The Jewels - Close Your Eyes (And Count To Fuck)
-Nine Inch Nails : BOOTS - C.U.R.E
-La révolte : Public Enemy - Don't Believe The Hype
-Casser des gueules avec une barre à mine le weekend : Eminem - The Real Slim Shady
-King Crimson : Kanye West - POWER
-L'accent anglais : Skepta - Shutdown
-Sonic Youth : Sonic Youth & Cypress Hill - I Love You Mary Jane
-Aerosmith : Run DMC - Walk This Way
-Le banjo : DJ Quik - That N****r' Crazy
-Bon Iver : Frank Ocean - Self Control
-Sufjan Stevens : Sisyphus - Rythm Of Devotion
-King Krule : Archy Marshall - Swell
-The xx : Drake - Take Care
-The Specials : The Streets - Let's Push Things Forward
-Kate Bush : Blood Orange - It Is What It Is
-Les dessins animés : A$AP Ferg - Cat Mob
-Les tubes trop faciles pour être honnêtes mais que vous aimez quand même en cachette : Kevin Gates - 2 Phones
-Nancy Sinatra : ABRA - Fruit
-Lana Del Rey : SZA - Babylon 
-Blur & la dub : Gorillaz - Clint Eastwood
-Les Bee Gees : Asher Roth - Tangerine Girl
-Miley Cyrus : Mike WiLL made-It - 23


Si vous aimez les musiques électroniques, vous aller adorer écouter :


Si vous aimez :

-Le Minimalisme : Mobb Deep - Allustrious
-Le Maximalisme : Kanye West - Dark Fantasy
-Les synthés : Grandmaster Flash & The Furious Five - The Message 
-L'autotune : Future - Codeine Crazy
-Les mélanges musicaux : Outkast - GhettoMusick
-L'électro-pop saturée : Kevin Abstract - Drugs
-Le sampling : MF Doom - Doomsday
-Les pionniers : DJ Kool Herc - B-Boy
-Les rythmes totalement fous : Timbaland & Aaliyah - We Need A Resolution
-Les boîtes à rythme : Ice-T - Sex
-L'électronique abrasive : Pusha-T - Numbers On The Boards
-Ennio Morricone : Apollo Brown - The Answer
-Kraftwerk : Afrika Bambaata & Soul Sonic Force - Planet Rock
-Planer : Ras G - All Is Well
-Les influences orientales : MIA - Bad Girls
-Les trucs improbables en général : Lil Wayne - Lollipop
-La folie : Young Thug - Just Might Be
-Les bains de sang à la Tarantino : Rihanna - Bitch Better Have My Money
-Les Zombies : Miguel - Don't Look Back
-Les BO flippantes de Jerry Goldsmith : Jeru The Damaja - Come Clean
-Le piano house : Uzi - Money
-Les ambiances ténébreuses : PartyNextDoor - High Hopes
-Vous prendre un platane en voiture et vous barrer comme si c'était normal The Weeknd - The Hills
-Les drogues : A$AP Rocky - L$D
-La perfection d'un beat : J Dilla - Dreamy
-Les bagnoles : Eazy E -Boys In Da Hood
-Le bling bling : Iggy Azalea - Work
-L'IDM bien dark : Little Simz - Dead Body
-James Blake : Trim - RPG
-Four Tet : Rome Fortune - Lights Low
-Disclosure : Nao - Fool To Love
-Les musiques de jeux vidéo : DRAM - Cha Cha
-Les ambiances nocturnes : Chance The Rapper - Paranoia
-L'électro lo-fi : Hoobear - The Golden Hour
-Les synthés-voix à la Depeche Mode : Stormzy - Scary
-Grimes : Aristophanes - Humans Become Machine
-Le footwork : DJ Rashad & DJ Spinn - She Turnt Up
-La French Touch : DJ Mehdi - Tunisia Bambaata
-Les comptines effrayantes : Syd - All About Me
-La violence : Chief Keef - Love Sosa
-Les outsiders géniaux : ILoveMakonnen - Tuesday


Si vous aimez la soul & le funk, vous aller adorer écouter :

Si vous aimez :

-La luxuriance des arrangements : DJ Premier - Classic
-Le funk clinquant : MC Hammer - U Can't Touch This
-Le funk tout court : Gang Starr - Full Clip
-La soul : The Roots & Erykah Badu - You Got Me
-Luther Vandross : Tyler, The Creator - Find Your Wings
-Les divas soul : Beyoncé - Drunk In Love
-La disco : Sugarhill Gang - Rapper's delight
-George Clinton et Bootsy Collins : Dr Dre & Snoop Dogg - Nuthin' But A G Thang
-La disco : Anderson .Paak - Am I Wrong
-La Jamaïque : Joey Bada$$ - Christ Conscious
-Le gospel : Solange & Lil Wayne - Mad
-Les voix de velours : Lauryn Hill - Doo Wop (That Thing)
-Les triolets : Migos - Pipe It Up
-Les poètes : Gil Scott-Heron - The Revolution Will not Be Televised
-L'inspirateur de (presque) tous les autres : James Brown - The Payback
-Les duos irrésistibles : Eric B & Rakim - Paid In Full 
-Les voix cassées : J.Cole - Apparently
-Michael Jackson : Jay-Z - Izzo (HOVA)
-Prince : Childish Gambino - Sober
-Danser : Tupac - All About You
-Pleurer : Ice Cube - It Was A Good Day
-Être motivé : Notorious BIG - Juicy
-Les filles qui en imposent : Missy Elliott - All N My Grill
-Les grands sensibles : Drake - Marvin's Room
-Marvin Gaye : D'Angelo - Brown Sugar
-Les gens : Common - The People
-Les samouraï : Wu-Tang Clan - CREAM
-Le scratch : Madlib - Slim's Return
-Stevie Wonder : Ty Dolla $ign - Zaddy
-Sam Cooke : Jesse Boykins III - Earth Girls
-L'Afrique : Chimurenga Renaissance - The BAD Is So Good
-Les génériques des émissions 80s : Noname - Diddy Bop
-Sly Stone : Matt Martians - Diamond In Da Ruff
-Le sucre : T-Pain - I'm Sprung



Si vous aimez la chanson française, vous aller adorer écouter :

Si vous aimez :
-L'urgence : Stupeflip - Stupeflip Vite !!
-Gainsbourg & Brel : Oxmo Puccino - Vision de Vie
-Les romans épistolaires : Lunatic - La Lettre
-Gainsbourg : MC Solaar - Nouveau Western
-Les histoires qui finissent mal : Damso - Amnésie
-Le respect des anciens : 1995 - Laisser Une Empreinte
-Votre quartier : Doc Gynéco - Dans ma rue
-Les arrêts de jeu : Booba - Temps Mort




  En espérant que certains de ces morceaux vous aient tapé dans l'oreille, et que le contrat est rempli. Si vous souhaitez un autre article sur le hip-hop sous une autre forme, vos suggestions seront accueillies avec plaisir.

Merci à vous

Alexandre & Etienne

mercredi 22 février 2017

Selena - Amor Prohibido (1994)



  Selena Quintanilla-Perez était une chanteuse américaine d'origine mexicaine, dont la musique a marqué les Etats-Unis des années 90. Sa fulgurante carrière a été stoppée net par une mort tragique en 1995 (assassinée par sa plus proche collaboratrice devenue obsessionnelle vis-à-vis de sa star d'amie) à un âge jeune (23 ans) et en pleine gloire, un peu comme Aaliyah. Apparemment son succès puis son décès ont marqué l'époque, mais je ne suis pas sûr que le retentissement ait été aussi important que ça en dehors des USA, voire même en dehors de la communauté latino, malgré des ventes énormes et une popularité incroyable. Ou alors ça s'est vite tassé. Pour preuve, on entend peu parler d'elle, notamment en France. Et c'est dommage car c'est une artiste qui vaut vraiment le détour. Je vais donc tenter d'aider à réparer cette injustice en vous parlant aujourd'hui de son quatrième et avant dernier album, sorti en 1994, et qui s'intitule Amor Prohibido.

  Vous allez comprendre pourquoi elle était si populaire dès le morceau-titre, "Amor Prohibido" qui ouvre ce disque. Alors certes, le son synthétique a un peu vieilli (quoiqu'il a son charme sur cette chanson en particulier), mais c'est un putain de tube porté par un chant expressif et puissant. Il ne faut pas avoir peur du sucre dans l'instrumentation (ça passe à merveille pour moi, mais je comprends que ça bloque certains), mais ce chant est absolument divin. Mélodique, doux et affirmé à la fois, et puis cet espagnol est merveilleux à l'oreille, ça change. 

  Le morceau suivant, "No Me Queda Mas", est plein de grâce. Derrière le son encore très eighties et les trompettes mariachi qui s'effacent assez vite, on a une pop orchestrale sur laquelle Selena croone en espagnol de manière mélodramatique et pleine de classe et de rage contenue, comme Sinatra. C'est absolument magnifique vocalement, en tous cas moi je fond totalement. Cette voix est magnifique, cette femme avait du caractère et un talent fou, à la Stevie Nicks (ou plus récemment Niki & The Dove).

  Vous aurez peut-être déjà remarqué cela, mais la musique tejano de la diva est assez variée stylistiquement, derrière le vernis latino. On a en effet la très bonne "Cobarde" une ballade disco-funk extrêmement cheesy (qui permet de comprendre les comparaisons avec la Madonna des débuts), sublimé là encore par un sens de la mélodie impeccable et une voix magnifique qui apporte une vraie intensité à ce morceau. Puis "Fotos Y Recuerdos" qui commence pop/folk et vire cumbia synthétique assez vite, et un morceau plus rythmé presque ska avec "El Chico Del Apartamento 512", toutes deux très agréables.

  Et puis cet autre tube énorme, "Bidi Bidi Bom Bom", magnifique mélange de reggae, de disco-funk et de cette pop latine chaloupée, et à la mélodie chewing-gum qui colle au fond de l'oreille pour longtemps. Imparable.

  Après, tout n'est pas mémorable, surtout dans la deuxième moitié du disque. "Techno Cumbia", ses "héééé hééé oooh oooh" et son côté Janet Jackson est plus dispensable même si pas nulle du tout. Et le chant plus agressif de Selena, façon Michael Jackson sur "They Don't Care About Us" est un bon point. Proche de ce morceau, on a une tentative de rnb / new jack swing avec un boys band sur "Donde Quiera Que Estes" qui passe bien mais sur lequel on ne reviendra pas forcément. Et puis deux titres que je déteste réellement : le hard FM de "Ya No" (l'éclectisme c'est bien, mais quand c'est maîtrisé seulement)  et une chanson un peu plus traditionnelle avec accordéon, rythme lancinant et chant moins intéressant : "Tus Desprecios". La pop mariachi de "Si Una Vez" est carrément au-dessus (musique & chant) mais même si elle sauve en partie cette face B, elle n'égale pas les grosses réussites du début d'album.

  Je comprends que certains (la plupart?) d'entre vous restent bloqués sur le son extrêmement daté, mais essayez si vous le pouvez d'aller un peu au-delà pour apprécier une artiste qui vaut franchement le détour selon moi, surtout sur cet excellent album de pop dont une grosse moitié mérite le terme de classique. 

Alex

  

lundi 20 février 2017

The Lords Of Altamont - Midnight To 666 (2011)



  L'écoute récente de l'excellent dernier Richmond Sluts (chroniqué ici), m'a donné envie de réécouter deux disques de rock bien sauvages ayant marqué mon adolescence. Je vous ai parlé récemment (il y a quelques jours, juste ici) de The Eighties Matchbox B-Line Disaster, groupe précieux qui arrive à me faire apprécier sans réserve une musique parfois proche du punk hardcore. Et bien, le combo garage/punk Lords Of Altamont (déjà évoqué ici) au nom évidemment inspiré par les Stones, est quasiment aussi essentiel qu'eux dans un genre tout aussi sauvage davantage marqué par le triptyque classic rock / garage-punk / psyché. 

  Et ici, on ne rigole pas, et on le sent dès le (très lourd) riff inaugural un chouia psychédélique et carrément punk (tout comme le chant entre Ramones et cris hardcore) de "F.F.T.S". Ce morceau, inutile de le dire, est une sacrée claque et un classique instantané. "Get In The Car" enfonce le clou avec un riff garage rock boosté aux anabolisants et un chant punk/pop rassembleur (ces "hé!" un peu Hives, on pourrait presque entendre tout un pub les reprendre en choeur, chope à la main). C'est une musique faite pour être subie à grand volume, et les grands espaces psychédéliques tressés par la guitare de "Gettin High - On My Mystery Plane" invitent à faire péter les potards de l'autoradio façon Steppenwolf. De même pour "You're Gonna Get There" et son rock pour motards durs à cuire tout de cuir clouté vêtus. Le paroxysme de ce hard-blues psychédélique étant atteint sur "I'm Alive", climax énorme, comme si AC/DC jammait avec les MC5 et les Black Angels.

  Mais, après "F.F.TS", l'autre grand moment du disque c'est ce "Save Me - From Myself" qui commence bien psyché avant de partir en riff bien dark post-Sabbath et hurlements de psychopathe, mais tout ça avec une assise implacable qui fait passer le tout à merveille, notamment cette basse diabolique et cet orgue puissant. Les satanisteries se poursuivent sur le plus accessible (oserais-je dire pop?) "Soul For Sale", encore très bon. Le punk de "Turn Me Down" a également une énergie rassembleuse, et "Bury Me Alive" un côté tubesque avec ces choeurs pop/punk.

  La fin de l'album vaut également le détour avec quelques uns des morceaux les plus forts de l'album : "Ain't It Fun" à la construction et aux arrangements plus ambitieux fait mouche, c'est vraiment un grand morceau d'un groupe au sommet de son art. Et "Synanon Kids", en plus psyché, voire un peu hard façon Deep Purple de In Rock (cette construction alambiquée, ces claviers....), est une de mes préférées du LP. Enfin, "Action Woman" prouve que même sans les potards à fond, le trip du groupe est toujours aussi prenant. 

  En résumé, c'est un très bon album de hard-rock psychédélique à tendance punk, un de mes classiques modernes du genre à découvrir au plus vite. 
  

samedi 18 février 2017

Homeshake - Fresh Air (2017)


  Depuis Midnight Snack, Peter Sagar, l'ancien guitariste et claviériste de Mac DeMarco m'avait tapé dans l'oreille avec la musique qu'il publie sous le nom de Homeshake. A l'origine très marquée par la figure tutélaire, il a réussi à donner une direction très personnelle à son projet en s'appuyant sur une esthétique bricolée authentique, radicale et minimaliste et des influences insoupçonnées : la soul et le rnb moderne.

  La soul on l'entend dès l'introduction, "Hello Welcome", au jeu de guitare aussi chaleureux et sensuel que du Stax 70's. Mais avec un twist : une production minimaliste et moderne au son assez froid. Un petit skit de voix façon BBC Workshop, et on enchaîne avec le rnb de "Call Me Up" qui joue sur la même dynamique : rythmes et claviers soul, mais prod moderne, électronique et froide. Pareil pour la voix, résolument blanche malgré les accents rnb. Le mélange fonctionne à merveille, d'autant plus que c'est bien composé. C'est bricolé à la maison et ça s'entend : la piste est simplement inversée pour la conclusion, procédé astucieux bien connu des producteurs amateurs. L'ensemble adhère à une vraie esthétique grâce à une exigence de tous les instants : les éléments sont peu nombreux, chaque instrument est pile là où il faut, le morceau est court et va à l'essentiel.

  Les influences se diversifient sur "Not U", qui sonne comme une instru de trap ralentie, comme congelée, additionnée d'un clavier lead quasi G-Funk mais qui sonne bien trop froid pour pouvoir prétendre provenir de chez Dre. Le chant se fait râpeux et approximatif sur les couplets, et fausset sur les très mélodiques (et mélancoliques) refrains. L'ensemble est encore une fois d'une précision et d'une perfection soufflantes.

  Et là démarre la meilleure chanson de 2017 pour le moment : "Every Single Thing" qui résume en 2'35" de pop stellaire ce que j'expliquais ci-dessus : ce disque est le mariage heureux du meilleur du rnb moderne, de l'électro bricoleuse et ludique et de l'indie lo-fi. Un peu comme les récents LA Priest ou Soft Hair, en moins glam et plus minimaliste dans l'approche (comparez "Lady's In Trouble With The Law" ou "Occasion" de LA Priest à "TV Volume" de cet abum et vous entendrez ce que je veux dire). Un chef d'oeuvre de pop song, une leçon du genre. Et c'est loin d'être le seul exemple ici, la lumineuse (et paradoxalement assez dark aussi) "Khmlwugh" est presque aussi bonne dans son genre, "So She" et "Serious" ne sont pas loin derrière.

  On a un aperçu de ce mariage sur "Getting Down Pt II (He's Cooling Down)", ou le mariage heureux de la guitare slacker de Mac DeMarco, de la vieille soul, du rnb sombre des années 90-2000 (cf "This Way" également, en mode Bee Gees dépressifs), de celui plus drogué des années 10, et des Beach Boys de Pet Sounds en mode lo-fi. Sur ce morceau, et sur "Wrapping Up", on se rendra également compte que Sagar n'a pas une grande voix mais que c'est tant mieux, car il se révèle en revanche être un bon chanteur dans le sens où il fait passer les émotions à merveille. 

  Le mec a eu raison de chanter lui-même plutôt que d'embaucher quelqu'un : il y a une personnalité hyper forte qui se dégage de chaque seconde de chaque piste de cet album, et sa voix apporte de la profondeur et un vrai supplément d'âme à l'ensemble. Le morceau "Timing" est l'exemple même de ce que j'avance, ce chant un peu faux fera fuir les plus timorés, alors qu'il est pile ce qu'il faut pour servir ce magnifique morceau, qui fonctionne bien mieux ainsi que si on y avait catapulté des cadors comme Aretha Franklin ou Al Green, car personne ne peut chanter les chansons ultra personnelles et fragiles d'Homeshake (cf "Fresh Air") mieux que le mec qui les a écrites et qui les vit au quotidien. 

  Vous l'aurez compris, pour le moment ce disque c'est de très très loin mon album de 2017, et il contient quelques unes des chansons qui m'ont le plus touché pour le moment. Un vrai grand disque, d'une perfection totale et d'une exigence de chaque instant malgré un côté branleur à la première écoute, qui est à la fois moderne, personnel et émouvant. Il n'y a rien à demander de plus, c'est pour moi un classique instantané dont même les maigres défauts se révèlent être d'immense qualités à la réécoute. 
Bref : une merveille.

A écouter ABSOLUMENT ici ou ici !


Alex


jeudi 16 février 2017

Milk & Bone - Natalie (Chanson, 2016)


  Il y a des merveilles comme celles-ci qui se passent de commentaires. Une ambiance néo-eighties à la Drive, deux filles très talentueuses et beaucoup d'émotion. C'est magnifique.

Alex 

mardi 14 février 2017

The Eighties Matchbox B-Line Disaster - Hörse Of The Dög (2002)


  Rendons donc un hommage mérité à un des meilleurs groupes de rock des années 2000, The Eighties Matchbox B-Line Disaster. Et à ce classique moderne que j'affectionne depuis les années lycée. Si vous voulez vous faire une idée du groupe, écoutez le premier titre, "Celebrate Your Mother", qui sonne comme si Joy Division avait été catapulté groupe de punk hardcore dans une autre dimension, avec une ligne de basse énorme, des guitares qui tranchent, une batterie qui tabasse et des cris défouloir. Et puis ces paroles ! Extraits choisis :

"Celebrate your mother
You'd celebrate your father if he's sleeping
with your sisters and your brother and your mother
But you're always late so today celebrate"


"I want to fuck your mother!
It's a dirty job but someone's got to do it well
And please don't tell your father
'Cause I'll fuck him as well"


  Vous saisissez maintenant le délire jouissif que c'est ? Ben c'est ça tout le disque. Avec un "Chicken" tout aussi tubesque, un peu plus psyché (voire psychobilly) mais tout aussi bourrin, dark et hyperactif. D'ailleurs, on sent que les années 80 ont laissé des traces : "Psychosis Safari" sonne divinement, c'est à dire comme des Cramps sous anabolisants. Et cette folie additionnée d'influences metal sur "Giant Bones" permet de headbanger un bon coup avant de partir en hôpital psy. Et puis si on parle de gros riff et de cheveux secoués, on doit parler de "Morning Has Broken", un "tube" du genre. Toujours hi-energy, à la Motörhead.

  On pensera aussi aux Pixies (ceux de "Tame") sur "Charge The Guns", intransigeante mais attractive quand même dans sa déviance rock. Les plus timides soniquement pourront se raccrocher à "Team Meat", ultra bien composée et plus classiquement rock, avec toujours ce parfum Frank Black mais un peu moins de hardcore (en tous cas pas tout le long). Et puis "Presidential Wave" fleure presque l'Elvis sous la couche punk. Vous l'aurez compris avec ces références, la musique de ce groupe est aussi riche que difficile à qualifier et impossible à foutre dans une case aussi large soit elle. 

  Elle est donc passionnante, et c'est ce qui rend The Eighties Matchbox, et cet album en particulier, aussi indispensables.



Alex




dimanche 12 février 2017

Dolly Parton - Jolene (1974)



  On va parler d'un très grand classique là. Le genre gavé de chansons classiques. Avec, vous vous en doutez, ce "Jolene" inaugural qui ouvre le bal, et que vous connaissez peut-être. Un texte bien foutu, Parton implorant la dénommée Jolene de ne pas lui piquer son mec sur une instrumentation pop/folk/country absolument remarquable de clarté et aussi mélodique que riche et harmonieuse. Une grosse claque, pas pour rien que c'est un classique. Et puis c'est très pop, pour les réfractaires à la country.

  Même les plus traditionnels "When Someone Wants To Leave", "River Of Happiness", et "Highlight Of My Life" sont tout à fait accessibles à un public européen, grâce au chant très émouvant, à la fois pop et roots (et à l'intensité presque Johnny Cash parfois), aux arrangements généreux, à des refrains mémorables et surtout à une qualité de composition digne du Brill Building

  La ballade country/pop "Early Morning Breeze" émeut, avec son chant félin et délicat, presque soul au final (façon Minnie Riperton en plus subtil on va dire), sur un tapis de guitares folk quasi psychédéliques. On a du très pop également sur "Randy" et "It Must Be You", chansons très entraînantes et mémorables, et du bluesy sur "Living On Memories of You".

  Et puis on a une autre superbe ballade, "Lonely Comin' Down", ultra émouvante grâce aux qualités apparemment infinies de Parton, appuyée par un choeur poignant. Et surtout, il y a "I Will Always Love You", tube mondial que vous connaissez sûrement chantée par Whitney Houston, mais c'est bien Dolly Parton qui l'a écrite dans les 70s. Et franchement, j'apprécie vraiment les acrobaties vocales de Houston, mais s'il ne devait rester qu'une version, je resterais sur celle de Parton, moins démonstrative mais tout aussi poignante. Bon sang, quelle chanson !

  C'est un album vraiment très réussi, qui peut vous plaire même si vous n'êtes pas fana de country, et qui fait du bien. Et c'est aussi un exploit pour une femme dans l'industrie musicale des early 70s de s'imposer de la sorte, chapeau bas à Mme Parton pour ce coup de maître, une grande de la Pop au sens large du terme.


Alex


vendredi 10 février 2017

The Internet 2017 : Matt Martians - The Drum Chord Theory & Syd - FIN


  Aujourd'hui je vais vous parler de deux projets solos des membres des excellents The Internet (et ex de Odd Future), Matt Martians le claviériste et beatmaker de génie et Syd la chanteuse stellaire.





Matt Martians - The Drum Chord Theory (2017)


  Ca commence de façon absolument géniale sur "Spend The Night" avec un son hip-hop ultra bien produit, qui mêle habilement la tradition lo-fi de la côte Est et sa rythmique old school avec le côté funky de la côte Ouest, tout ça avec des claviers quasi jazz et un chant cosmique. Et sur la deuxième partie de morceau ("If You Were My GF") on part dans un trip toujours un peu psyché et carrément Prince et complètement génial. Un excellent départ, d'un niveau hors normes, comme si Prince avait eu le temps de faire un album avec Dâm-Funk. C'est un énorme compliment de ma part.

  Et c'est pas fini, "What Love Is" et "Where Are Yo Friends" continuent en mode cosmic funk opiacé, avec une science de la mise en son et un côté second degré halluciné faussement branleur contrastant avec le fond d'une qualité époustouflante. Un peu comme si Damaged Bug, le projet psyché lo-fi et électronique de John Dwyer, s'acoquinait avec Flying Lotus, Madlib, George Clinton et Sly Stone. Vous entendrez ça sur les claviers de "Baby Girl", autre excellentissime morceau.

  Les vapeurs opiacées se dissipent sur l'ensoleillé "Southern Isolation", bon comme du Isley Brothers de l'an 3000. Cette même science de la mélodie et cette prédisposition harmonique s'entend sur "Alotta Woman / Useless", malgré les dissonances et les claviers bourdonnants. Il en est de même sur le plus ouvertement électrofunk 80s sur "Dent Jusay" avec la collègue Syd de The Internet dont nous allons reparler dans un instant. Et sur tous les autres morceaux en fait, ce rnb intelligent et sensuel, ouvert à toutes les musiques et érudit rappelle d'ailleurs presque les travaux nu-soul déterminants de D'Angelo tellement c'est bon. 

  Bref, un album parfait dans son genre derrière la couche "branleur cramé geek". A découvrir d'urgence ici.



Syd - Fin (2017)

  Dans le même genre, en plus rnb et plus accessible, je vous présente l'album de Syd, Fin. Les prod se font proches de celles de Matt Martians, mais en plus concises, moins fouillies et expérimentales, plus orientées vers le format pop (cf l'électrofunk de "Shake Em Off"). Mais l'excellence est toujours là, et ce qui fait tout le charme de cette musique ce n'est pas tant l'adoucissement de la prod que le magnétisme du chant précis et émouvant de Syd elle-même. Elle l'a avoué elle-même, elle ne sait pas trop quoi penser de cet album très pop, elle espère juste toucher beaucoup de monde et gagner sa vie. On ne peut pas lui en vouloir pour ça, c'est tellement bien fait que c'est tout le mal qu'on lui souhaite !

  Et en effet, elle s'attaque à de la pop électronique mainstream façon Beyoncé sur "Know" ou à un registre plus hip-hop et rentre dedans à la manière de The Weeknd sur "No Complaints" et "All About Me" où sa voix se fait râpeuse. Mais le truc, c'est qu'elle atteint avec une facilité déconcertante des sommets dignes des derniers Beyoncé justement, ou même d'Aaliyah, sur "Drown In It" et "Body", dont la qualité et la modernité pourraient (je l'espère) l'amener à ce succès non seulement populaire, mais aussi artistique (sur ce point, on est tranquilles).

  Bref, un très bon album de rnb, aussi accessible que profondément personnel et bien foutu. A écouter ici.

Alex


mardi 7 février 2017

The Richmonds Sluts - 60 Cycles Of Love (2016, Mauvaise Foi Records)


  J'en parlais avec le dernier disque des Proper Ornaments (et le Ty Segall), c'est une tache quasi insurmontable pour un jeune groupe de réussir à faire bander des amateurs de rock qui ont déjà tout entendu avec un nouveau disque. Pourtant ce groupe y arrive haut la main.

  Ce qui fait que les Richmond Sluts remportent ce pari, c'est peut être leur maturité : leur précédent album est sorti en 2001. La maîtrise se sent dès l'ouverture, ce "I Wanna Know" jouissif : un riff simple mais diablement efficace, un jeu resséré quasi pub rock qui transpire le live de partout, des saillies nerveuses de guitare et surtout cet orgue qui soutient le morceau et participe à mettre en place cette ambiance d'urgence communicative. On a l'impression de se prendre le son du groupe dans la tronche, au fond d'un bar, une pinte à la main. C'est vivant, c'est ce qui manque à beaucoup de groupes de rocks récents, et c'est ce que le groupe a à revendre à la pelle ici.

  Le riff inaugural (qui est celui du refrain également) de la suite, "Don't Need You", se fait plus joueur, plus pop, un peu comme si Frank Black voulait se lancer dans du classic rock, mais la suite se révèle tout à fait glam-punk, avec un côté sexuel qui évoque un cousinage avec les excellents Crocodiles (effet accentué par le côté glam eighties, presque Smiths/La's de la compo qui s'avère ultra mélodique). Assaisonnez ça avec un chant très Iggy et un final jouissif aux petites touches de claviers rafraîchissantes et vous obtenez un putain de grand morceau rock. D'ailleurs, on pourrait dire quasiment la même chose de "To Hell And Back", une tuerie aux relents glam et psychobilly.

  Après un début d'album de folie, "Different Tune", (relativement) plus calme nous permet de reprendre notre souffle, et intrigue avec son côté psyché et son mixage assez inédit (j'ai jamais entendu une prod comme ça, un peu étouffée mais assez claire en même temps, c'est très intriguant et ça donne une vraie personnalité au morceau). On la retrouve sur le marécageux blues-rock de "She's No Good". Que les fans du dernier Stones devraient écouter d'urgence, parce qu'elle est aussi authentique que pleine de vie. Le pub-rock est toujours là sur "Motel Boogie" au nom bien porté et à l'énergie très Sonics appréciable, avec un côté rockab' voire sudiste en plus (dont l'écho se retrouve sur l'excellente "Only God Knows Why").  Et le garage-punk de "Livin To Crash" emporte  totalement mon adhésion avec un chant qui puise toujours aux sources du rock'n'roll, et me rappelle inlassablement Lee Brilleaux par sa prestance. 

  La suite est assez originale, sur des bases rockabilly on des arrangements généreux, avec de la wah wah presque funky, un beat Motown, un chant encore décidément très Iggy, des claviers chauds et même des cuivres sur "Into These Eyes". C'est très réussi, et tout à fait brillant (et plus subtil que beaucoup de mariages funk-rock). "Gonna Find It" a un côté hymne, ce qui est à double tranchant : certes on peut headbanger pendant 3'15 (et elle doit être terrible en live), cependant cette chanson un peu plus uni-dimensionnelle supportera sans doute moins la réécoute. Mais rien de grave, elle reste très bonne dans son genre. 

  Bref, un putain de grand album de rock qui secoue bien. Qui me rappelle l'impact de groupes comme les Lords Of Altamont ou les Eighties Matchbox B-Line Disaster
  A écouter (et/ou acheter) d'urgence en cliquant ici sur le bandcamp de Mauvaise Foi Records.

Plus d'infos sur le groupe et leur (très bon) label : mauvaisefoirecords.com


Alex