Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

lundi 26 septembre 2016

La Playlist #9.2 : House Music Classics



     Dans le cadre de notre série de playlists, nous vous proposons une 9ème édition consacrée à la house music. Trente ans d'histoire y est retracé en quelques titres emblématiques, s'étalant du chicago des années 80 aux dernières productions venant du monde entier. 

     La house music prend ses sources au début des années 80, période marquée musicalement par la fin de la vague disco ayant permi l'essort fulgurant d'une culture des nightclub, mais aussi techniquement par la révolution électronique permettant une explosion des outils de productions qui se démocratisent. La house s'inscrit alors dans cette mouvance de la musique électronique, utilisant ces nouveaux outils que sont les séquenceurs, les loopers et les mythiques boîtes à rythmes, dont les légendaires Roland TR-808, 909 puis 707. 
C'est ainsi que le mouvement nait à Chicago au mileu des années 80 par des producteurs samplant des hits de soul music et s'inspirant de la recette disco en accélérant ses rythmes pour en faire de véritables titres taillées pour la dance, répétant à l'infini la musique qui se rallonge en des titres de 7 à 10 minutes. 



     Sort alors en 1985 le premier titre house de l'histoire, Love Can't Turn Around de Farley Jackmaster Funk, qui par un son totalement révolutionnaire ouvre la voie à de nombreux producteurs de Chicago, au premier rang desquels Marshall Jefferson et son frénétique Move Your Body sorti en 1986. C'est l'homme clef du le développement de cette nouvelle musique, notammant grâce à sa rencontre avec Larry Sherman, propriétaire de TRAX Records qui deviendra le mythique label précurseur du genre. Le style se fait alors connaître dans les clubs de Chicago dont la célèbre Warehouse et est intrinsèquement associé aux nom des DJs qui y résident et diffusent le genre.




     Très vite le style évolue, se simplifiant mélodiquement en racourcissant la durée des extraits samplés, laissant toujours plus d'importance au rythme et évincant le chant de la production. C'est la naissance de la deep house, avec notamment le fabuleux Can You Fell It de Mr. Fingers lui aussi sorti en 1986, toujours chez TRAX Records.



     La house music se diffuse ensuite dans les grandes villes américaines comme New-York, mais surtout Détroit où Derrick May fonde en 1986 le label Transmat, sur lequel il sortira le légendaire Strings of life sous le pseudonyme de Rhythim Is Rhythim. Ce titre marquant le standard d'un nouveau sous-genre de la house music, la techno. Le rythme y est alors omniprésent et la mélodie réduite à son strict minimum, pour un rendu beaucoup plus froid, voire aggressif. A partir de maintenant on ne parlera plus de musique, mais de son !



     Alors qu'aux USA le mouvement peine à se diffuser au delà d'une niche de clubbers, c'est au Royaume-Unis qu'il perçera, permi par presque 10 ans de post-punk et de tatchérisme. Le cultisime club de Manchester, l'Haçienda, dirigé par la Factory records  de New Order, s'illustrera dès 1986 comme précurseur du genre dans le pays et en Europe. Dans la morosité du Royaume-Unis des 80's la acide house eu l'effet d'un second summer of love et donna une nouvelle envergure au genre via les rave party, emblématique forme de la house music des 90's. Le style y est alors plus édoniste, à l'instar du célèbre Pacific state de 808 State





     A la fin des années 80, la house fait ainsi son entrée dans les charts UK, à l'instar du Voodoo Ray de A Guy Called Gerald, emblématique de cette house anglaise piochant autant dans les sons de Chicago que dans la new-wave de New Order. Des labels indépendants permettent l'essort du genre, c'est le cas du légendaire WARP records.


     Le mouvement peut enfin se propager à l'ensemble du globe. Tout d'abord aux USA du milieu des 90's le nombre de DJ explose, voyant la techno vivre son âge d'or, particulièrement à Detroit où des artistes tels Carl Craig ou encore Jeff Mills percent à ce moment.



     Dans l'Allemagne du milieu des 90's, vivant la reconstruction d'un pays, la techno prend un écho particulier, notamment à Berlin, où des grands clubs comme le UFO ou le Tresor popularisent la techno et permettent la création d'un nouveau genre faisant le pont entre Detroit et l'Europe : la techno berlinoise. Le sample n'a ici plus lieu d'être, laissant toute sa place à la rythmique brutale d'une composition froide se rapprochant de l'ambiante music.




     En France aussi la house fait mouche, portée par Laurent Garnier, acteur du mouvement house de Manchester, où il officia à l'Haçienda en tant que DJ avant de revenir sur Paris et d'exporter son expérience. Des grands clubs parisiens comme le Palace, le Queen (soirées Respect) ou le Rex (soirées Wake-up) ont alors ouvert leurs portes à des soirées house, permettant ainsi à une scène parisienne de voire le jour. 



     De cette scène de DJ naît dans la deuxième partie des 90's une vague de producteurs français, créant un son nouveau là où la scène internationnale peine à se renouveller. Ce sera la French Touch, dont on connait le succès mondial, notamment par des artistes comme Daft Punk et leur Da Funk ou bien encore Stardust avec Music sounds better with you. Dénomination fourre tout, la french touch englobe aussi bien la pop de Air que la house de Pepe Bradock.





     Parallèlement et de façon concomitante à la house, le hip-hop a lui aussi usé de ces nouveaux outils techniques que sont les samplers et autres boîtes, avec en première ligne Afrika Bambaataa. Les conivences furent nombreuses et méritent d'être sitées tant elles ont pu apporter à chaque genre. On pense notamment Romanthony et son Wanderer.



     Communément accepté et reconnu comme genre à part entier depuis la fin des 90's, la house a depuis donné de nombreux hits et s'est enrichie de nombreuses influences de jazz, de rock, de hip-hop, etc. De nombreux sous-genres en sont nés et les sorties ne manquent pas. Néanmoins, la scène anglaise semble à l'heure actuelle être sortir du lot et offrir à écouter des aristes passionnant dont on citera :


- Ross From Friends et leur style très rétro 90's.





- Erol Alkan dans un style plus electronica, avec ce son de house anglaise si caractéristique. 




Leon Vynehall ayant fait énormément de bruit en 2014 et toujours en provenance du Royaume-Unis.


- Et enfin le fabuleux Daniel Avery, peut être l'artiste techno le plus intéressant de ces dernières années à mon sens.



Alors que je publie très peu depuis quelques temps, j'espère que ce post vous aura plu et qu'il aura su transmettre ma passion pour la house music.

Merci pour votre lecture !


ETIENNE



mercredi 21 septembre 2016

Of Montreal - Innocence Reaches (2016)





  J'ai décroché légèrement d'un de mes groupes favoris, après deux albums de bonnes factures mais dont les singles éblouissants ("Bassem Sabry"...) n'arrivaient pas à occulter les morceaux "remplissage" moins inspirés. Le retour à une instrumentation moins électronique (d'abord folk/country/rock puis glam/funk) qui a séduit les critiques américains (qui sont passés à côté de tous les joyaux du groupe depuis Hissing Fauna..., les idiots), ne m'a pas convaincu. J'y entendais un Kevin Barnes en roue libre, mal à l'aise et ne sachant pas quoi faire de ces riffs de guitares éculés et de cette production rock clinquante. Bref, cette direction, bien qu'ayant accouché de bons morceaux, ne m'a pas convaincu.

  Et là, avec ce Innocence Reaches, j'ai complètement repris le train en marche. A force de partir dans du trop barré (Paralytic Stalks, que j'ai beaucoup aimé mais qui était un peu la limite d'une formule), puis passé comme je viens de le dire par du trop convenu, Barnes a retrouvé un équilibre instable. Les instrumentations retrouvent ce mélange des genres si particulier, entre funk, pop, rock, électronique, glam, entre acoustique et électronique, beauté et folie, danse et contemplation. 



  Et ça commence dès le premier titre "Let's Relate" et ses synthés kitsch et too much (électro 90's ultra exagérée), qui, accompagnés de la voix dépressive de Barnes, donnent un côté Innuendo de Queen à la musique. Comme quand Mercury, se sachant condamné, pondait des hymnes déchirants et barrés comme "I'm Going Slightly Mad". La production, le rythme, les voix, tout est parfaitement dosé (sachant que parfaitement dosé pour Of Montreal, ça veut dire un peu trop de tout). C'est absolument brillant, comme une parodie de l'électro commerciale qu'on nous sort depuis 25 ans, mais avec une maîtrise musicale qui dépasse la parodie pour imposer un nouveau genre d'électropop too much mais crédible et de qualité. Comme chez Passion Pit par exemple.

  "Different For Girls" et "A Sport And A Pastime" sont des tubes parfaitement à mi-chemin entre le Barnes électro-funk / pop-rock des chefs d'oeuvres Hissing..., Skeletal Lamping, False Priest et Controllersphere et cette nouvelle orientation. Le propos mélange les genres musicaux et sexuels avec brio. 


  L'ancien Of Montreal se retrouve aussi sur d'autres morceaux, mais toujours avec une nouveauté. Le glam rock très T-Rex de "Gratuitous Abysses" et son riff générique façon Lousy With Sylvianbriar est sauvé par un refrain jouissivement pop entre Lou Reed, Bowie et Bolan. "Les Chants de Maldoror" est sur la même pente glam rock déviante, mais avec un côté sombre et psychopathe génial (le côté entêtant de la mélodie principale, le long solo oblique de la fin, les dissonances très musique contemporaine à la Paralytic Stalks...). Dissonances qui se retrouvent dans le final "Chap Pilot", qui fond progressivement dans l'orchestration et la production buissonante. La même chose est vraie de "Chaos Arpeggiating", entre la débauche orchestrale de False Priest et glam rock au riff hispanisant (là encore, ça rappelle "Innuendo", le morceau...).

  "My Fair Lady" rappelle la période Hissing Fauna... / Skeletal Lamping avec sa basse funk, son chant désabusé, ses arrangements somptueux (la musicalité de ces choeurs bon sang!!!), et son refrain accrocheur. "Ambassador Bridge", "Def Pacts", "Nursing Slopes", "Trashed Exes" c'est exactement la même chose, en plus sombre, de vrais chef-d’œuvres pop. 


  L'album (écoutable ici) est vraiment excellent, je le place juste au dessus de The Controller Sphere, égalant presque les joyaux de la fertile période 2007-2010 du groupe. Barnes a ici réussi le coup de force de faire une synthèse de son oeuvre, sans se répéter et en se réinventant. Un des meilleurs et plus inventifs disques pop de cette année. Et je suis heureux de me dire que j'attendrai le prochain Of Montreal avec moins d'appréhension que celui-ci.

Viva Barnes !

Alex
  

dimanche 18 septembre 2016

Kanye West - The Life Of Pablo (2016)



  Bon, l'album n'est pas facile à aborder, à cause de 1) Le personnage et 2) La sortie ultra médiatisée (retards, versions toujours changeantes, déclarations qui font réagir...). Mais on va faire simple et ne parler que musique. Car il y en a un paquet, et de la bonne à écouter, dans cet album qui fait de l'incohérence sa cohérence et de la discontinuité son fil rouge. C'est un album d'artiste en pleine période collage, mais qui colle le beau et le grotesque, le spirituel et le trivial, le bon et le mauvais goût, l'art et le commerce le plus vulgaire. C'est un album assez passionnant et riche, qui de par son format d'amas de morceaux disparates et pourtant cohérents, et ses versions changeantes, dit quelque chose de la musique de notre époque.

  Et ça commence bien avec le gospel "Ultralight Beam", avec un Kanye humble (vocalement, car musicalement c'est riche et grandiose), et qui montre une fois de plus son talent fou pour mettre en lumière le talent des autres. Du sample de la petite fille à la chorale de Kirk Franklin au fameux couplet de Chance The Rapper, tout le monde y est au top. La chanson est forte et immaculée, c'est dur de suivre ça.... et pourtant "Father Stretch My Hands" y arrive, grâce à son collage ultra maîtrisé : sample soul délicieux / synthé basse et choeurs gospel / drop vocal à la Future assuré par Desiigner puis beat hip-hop irrésistible / et enfin vocaux autotunés. A chaque transition, le souffle se coupe. L'effet wow fonctionne à plein. Les paroles sont nazes mais qu'est-ce que la musique est bien foutue. La partie 2, basée sur le "Panda" de Desiigner, est toute aussi bonne avec sa conclusion évoquant Laurie Anderson.

  Le "Famous" qui suit est une réussite, avec une Rihanna autotunée qui reprend Nina Simone sur un beat qui pourrait dater de Graduation (avec plus de tranchant ceci dit), et Kanye qui dit des idioties et des trucs plus intéressants pèle-mêle (mais avec un bon flow). Et surtout un génial sample finale (bon les encouragements de Swizz Beatz sont une fois sur deux un peu agaçants mais on va pas chipoter). Puis la vraie Nina. Ça c'est l'art de la prod hip-hop qui a fait de West qui il est maintenant. 



  A l'image de ce titre qui reprend pas mal d'acquis de l'époque de graduation, on retrouvera différentes parties de la carrière de West. On entend un peu les ambiances de Yeezus en plus aérées sur les très bonnes "Feedback" et "Freestyle 4". L'intro efficace la première fois puis un peu pénible "Low Lights" est dans le plus pur style Life Of Pablo, avec basses house et gospel, poursuivie par un "Highlights" tout aussi joyeusement gospel (merci Kirk), mais aussi un peu Graduation / 808s & Hearbreaks pour le côté pop autotunée (merci Young Thug).

  "I Love Kanye" pour le coup est très drôle et bien écrit, un bon petit a capella qui apportera de l'eau au moulin à absolument tout le monde quelque soit leur opinion sur l'homme. "Waves" est un bon moment d'électropop/rnb, y'a vraiment que Kanye pour me faire aimer un chant de l'autre idiot de Chris Brown. Et "FML" est une excellente chanson, très puissante avec une première partie intimiste et presque déchirante (808s...?) suivie d'une excellente intervention rnb de The Weeknd, puis un sample post-punk trituré aussi inattendu qu'excellent. Grand morceau. Suivi par un "Real Friends" émouvant, aussi bon que les premiers Kanye dans un genre assez proche. Et d'un "Wolves/Frank's Track" tout aussi émouvant et à la production magnifique.

  Dans les bonus, la partie "Silver Surfer..." est assez chiante et sert pas à grand chose à part caresser l'ego du monsieur dans le sens du poil. "30 Hours" est géniale au niveau prod, mais le rap dessus n'est pas fini. Volontairement, certes, mais c'est du gâchis avec une si bonne instru ! "No More Parties In LA" avec Kendrick est réussie mais un peu usante du début à la fin, peu de respirations dans les flows comme dans l'instru. La version de "Facts" est trop produite, je préférais celle presque a capella sortie un peu avant, mais bon ça reste un bonus sympa. "Fade" est géniale, un bon morceau de house pimenté au hip-hop autotuné. Et y'a de bonnes idées sur "Saint Pablo", mais le rendu final est bien celui d'un bonus de fin d'album et pas d'un titre d'exception. 

  Tout ça ça fait quand même 12 à 15 (selon comment on les compte) morceaux indispensables sur 19, c'est plutôt pas mal ! Malgré l'éventail de styles, l'album s'écoute d'une traite (sauf dans les bonus, mais ça c'est normal). Vraiment, c'est pas son meilleur album mais, comme tous les autres finalement, il est très réussi. Devant Late Registration, Graduation et Watch The Throne pour ma part, et en dessous des autres qui sont un peu intouchables. Bref, un très bon album de West pour cette année, en attendant les deux autres promis avant décembre (plus un avec Drake, ou alors il compte dans les deux ?). D'ailleurs il va falloir se dépêcher, on arrive déjà mi-septembre !

  Vous pouvez l'écouter en suivant ce lien spotify. Je vous souhaite une bonne écoute, et je vous dis à bientôt ! Merci pour votre passage.

Alex

mercredi 14 septembre 2016

Nick Cave & The Bad Seeds - Skeleton Tree (2016)



  Ici on aime bien donner notre avis sur les albums une fois ceux-ci bien assimilés, en prenant le temps de la réécoute. C'est pourquoi vous verrez rarement des nouveautés hyper récentes, de la semaine ou même du mois. Pourtant, aucune règle ne se passe d'exceptions, et parfois l'avis et le regard qu'on porte sur un disque est immédiat, et on sait qu'on n'en changera très probablement jamais. C'est le cas pour ce dernier Nick Cave. J'ai adoré le dernier album (hors BO) en date, Push The Sky Away (classé parmi mes disques préférés de 2013). Et pour ce disque, déjà, à la première écoute mon avis était fait, et n'a pas bougé depuis. 

  En effet, ce disque est comme son superbe prédécesseur un formidable chapitre d'une nouvelle ère pour Nick Cave. En intégrant des influences électroniques, synthétiques, presque ambient et planantes, il a ressourcé sa musique, et en passant d'une écriture très narrative à une introspection moins linéaire et plus hachée, toute en flashes d'émotion, a renouvelé ses mots. Et malheureusement, l'ombre de la tragédie de la mort accidentelle de son jeune fils a nourri ces paroles, ainsi que l'ambiance musicale, et ce même si l'enregistrement a démarré un peu avant.

  On ne va pas insister là-dessus, l'album dit tout ce qu'il y a à en dire. Le disque aligne les superbes élégies, en démarrant par "Jesus Alone", qui paraît presque gospel dans les refrains (ce déchirant "With My Voice, I am calling you"), malgré un drone de guitare post-rock et des couplets spoken-word. Les cordes, le piano et la batterie se font discrètes, subtiles, mais poignantes et efficaces, de même que les effets sonores et le synthé / orgue / theremin (?) aigu (qui évoque quelque chose entre rock psyché et, étonnamment, le son du synthé lead des productions G-Funk). Ce n'est peut-être qu'un hasard, mais le superbe morceau suivant, "Rings Of Saturn", possède un beat presque hiphop, des nappes de synthé planantes, un synthé lead bondissant, et une diction justement très hip-hop de Cave au départ. Avec les choeurs et les accords de piano martelés, on a un saisissant contraste entre la voix fatiguée de Cave et la musique mi-accablée elle aussi, et mi-entraînante. Avec les mêmes éléments et un peu de production on pourrait presque faire un tube électropop urbain, et c'est ce qui rend l'humilité de cette chanson d'autant plus troublante et belle. Probablement ma favorite de l'album.

  Moins produite, "Girl In Amber" continue avec les nappes de synthé et le piano plein de reverb, et y ajoute des choeurs aigus, entre église et pop psychédélique façon Flaming Lips. Et la voix de Cave s'y fait particulièrement granuleuse et tremblante. Et puis il y a comme un effet de hiss accolé à cette voix (qui donne un son proche du bruit blanc pour ceux qui ne voient pas de quoi je parle). Ce qui donne un côté rêche et brut à cette voix, qui encore une fois contraste avec l'instrumentation apaisée (malgré les effets sonores dissonants apparaissant de temps en temps), et en même temps l'éloigne de nous, lui donne un côté irréel. Comme si la réalité du monde extérieur et l'intériorité de Cave se confondaient, comme si on n'arrivait plus à les distinguer. Ses sentiments sont en lui tellement vifs qu'il les ressent même autour de lui, ils emplissent tout l'espace et transforment toute chose. Comme il le dit lui même "Nothing Really Matters", trois chansons plus loin. Le même sillon est creusé par "Magneto", avec l'addition d'une guitare acoustique, un texte introspectif et une voix là encore très impactée par l'émotion, accablée par la fatigue et, aussi émotive qu'elle soit dans le fond, elle oscille entre une diction impactée et détachée dans la forme.

  "Anthrocene" franchit un cap dans l'abstraction, les moments plus pop avec chœurs et piano sont entrecoupés de samples et d'effets sonores et de rythmes surgissant de nulle part. Le chant structure la chanson s'une façon tout à fait non linéaire et non conventionnelle, s'écartant d'ailleurs du format chanson proprement dit pour quelque chose de plus souple, en flashes d'émotions contradictoires, en vagues, en marées. 

  Le chant pop-rock américain (là encore fortement affecté) et les nappes de synthé franchement 80's de "I Need You" ainsi que (encore et toujours) les chœurs  font de ce morceau une sorte de perversion par la tristesse des hymnes conquérants d'un Springsteen. La dimension pompière étant totalement annihilée par le chant et les arrangements inattendus (le xylo ou glockenspiel...), pour ne rester qu'en filigrane à la seule fin, là encore, de nous offrir un effet de contraste saisissant.

  Retour à une production moins brute pour "Distant Sky", franchement ambiant au début, avec des mots susurrés en intro, puis un chant féminin (qui m'évoque l'Irlande et la musique celte dans les mélodies vocales, tout comme l'harmonique de la chanson elle-même, pour une raison qui m'est inconnue). On pense à la tradition de la musique mortuaire des écossais et irlandais, souvent entendue dans les films américains, avec la notion de drone bien présente, comme le bourdon des cornemuses. On finit par "Skeleton Tree", plus ouvertement pop/folk (la guitare, et les nappes encore), avec cette voix complètement détruite qui remonte la pente au fil des couplets, épaulée par de magnifiques chœurs  et qui finit un peu brutalement, alors que les paroles se faisaient plus positives, laissant une impression d'inachevé volontaire. La suite ne sera pas dans 2 ou 3 ans pour le prochain album, la suite c'est la seconde à laquelle celui-ci s'arrête, la suite c'est tous les jours, hors de la discontinuité de notre rencontre avec Cave et ses Bad Seeds. Changement de perspective intéressant. L'Homme derrière l'Artiste vit chaque jour, au jour le jour.

Bref, vous savez ce que j'en ai pensé, c'est un très très bon album. Alors écoutez-le ici, si possible au casque. 
Merci pour votre lecture, et vos commentaires, et à bientôt

Alexandre

dimanche 11 septembre 2016

La Playlist #9.1 : Des vieilleries bien cool


  Le concept cette fois-ci ? Partager avec vous mes découvertes récentes de morceaux et d'artistes (plus ou moins vieux), ceux qui m'ont vraiment retourné ces dernières semaines.


  Bon sang quelle classe ! Et quelle basse ! Et cette guitare ! Et cette rythmique, ce chant, ces choeurs..... Le genre de Pop française avec un grand P qui n'a rien à envier à personne. Bon, même s'il y a des américains parmi les musiciens, j'ai envie de souligner tout le mérite à cette femme de génie qui le mérite mille fois.


  J'ai connu cette chanson avec la version de Jeff Buckley, génération oblige (je suis né l'année de la sortie de Grace). Que j'ai toujours adorée. Mais alors là, c'est le niveau du dessus. Bon sang, qu'elle est impériale Nina Simone quand elle chante... 


  Une production hyper léchée, aussi authentique qu'étoffée, et des MC de haute volée, que demander de plus ? La quintessence du meilleur du hip-hop. Que des gens puissent affirmer qu'ils n'accrochent pas au genre après ça, et je raccroche les gants.


  Là encore, une grande vocaliste et un instrumental qui transpire l'élégance, ça fait mouche. J'ai vraiment découvert Badu avec son album de l'an dernier, et je suis tombé sous le charme de la voix et des choix artistiques. En remontant sa discographie (ici sur Mama's Gun), je tombe sur des perles incroyables comme cette chanson... Waow !


  Le fameux "The Message" cache de petits frères et soeurs dont ce fabuleux single. Qui donne envie de furieusement remuer ! D'ailleurs l'album est assez riche, entre électrofunk, soul presque philly, et hip-hop dont ils participent à définir les contours. 


  La moitié des Talking Heads, en formant Tom Tom Club, prolongent avec panache la discographie quintessentielle de leur groupe d'origine. Avec ce morceau par exemple, entre échos dub, guitares rock, afro funk, électronique et paroles en français. Une des perles de ce groupe bien trop sous-estimé.


  Ce groove qui s'installe lentement est irrésistible, et le maestro Hancock puise dans le funk surpuissant de Sly Stone l'inspiration pour amener le jazz vers de nouvelles directions excitantes et électriques. Indispensable. 


08-MIA - Galang (2004)
  Au milieu d'un déluge de bleeps de synthés modulaires, MIA matraque avec classe le tempo d'une électro-pop mondiale décomplexée à l'esprit punk et aux jambes qui ne reste pas en place. Oui bon je sais elle est pas si vieille que ça pour une "oldies". Maaais, ça commence à dater. Même si ça ne rajeunit personne.


  On va refroidir un peu l'atmosphère, bien que ce morceau soit chargé sexuellement. Y'a quand même un côté inquiétant qui l'accompagne. J'ai toujours adoré les débuts de Depeche Mode, même les premiers singles pouet pouet que tout le monde renie. Et je ne connaissais jusqu'à présent pas ce Music For The Masses génial. Et si je ne devais en retenir qu'un extrait ce serait celui-là, avec ses choeurs graves bouclés, ses synthés glaciaux et ultra efficaces et ce chant mi-soul mi-église mi-psychopathe new wave. C'est absolument génial.

  Aller une petite dernière, et pour changer une récente, une toute chaude qui vient juste de sortir et qui est géniale. Et qui va finalement bien avec cette playlist qui mine de rien avait comme fil rouge invisible une certaine version du groove, du plus chaud au plus froid, du plus funky au plus laid-back.


  J'adore quand un groupe me fait ça. Une première écoute mitigée "Oh c'est sympa, mais ils se sont pas trop foulés quand même". Et une deuxième puis une troisième écoute, complètement sur le cul. Et depuis, je l'écoute en boucle. Cette pop funky et aquatique m'émerveille. Pas étonnant quand on sait que Soft Hair c'est en fait LA Priest (15e de mes disques favoris de 2015, et ex-leader des excellents Late Of The Pier), et le génial Connan Mockasin
PS : le clip vaut le détour

Sur ce, bonne écoute et à bientôt !

Alex

jeudi 8 septembre 2016

Sealings - I'm A Bastard (2016)





  Ca c'est bon. Des types qui ont écouté The Cure, My Bloody Valentine, Jesus & Mary Chain, Joy Division, Bauhaus, les plus récents Crocodiles, du goth, du post-punk et de l'indus, et qui ressortent un rock aussi mélodiquement impeccable que soniquement crado et noisy, c'est pas tous les jours qu'on en rencontre. Un tube pop avec un son crasseux et une boîte à rythme qui claque, comme "My Boyfriend's Dead" fait justement penser à du Jesus & Mary Chain actualisé (et pas que dans le titre), ou à du Crocodiles en bad trip. Un sommet.

  "No Summer" évoque elle carrément les Horrors, avec des guitares Interpol / Chameleons presque surf sur les bords, et dans les accords. Et tout le disque est à l'avenant, sombre et lent comme "Unnerved" et "I'm A Bastard", planant comme "Transient Curse" ou le flippant "Malloy", ou conservant un riff "tubesque" comme "White Devil", "Hey Bernice", "The Ultras", et "Psychic Gobshite". Dans tous les cas, c'est excellent.

  Un vrai bon disque de rock que ce I'm A Bastard, aussi sombre qu'excitant, et dont je ne me lasse pas. Excellente découverte, écoutable ici, que je vous recommande chaudement ! Et rappelez-vous de leur nom à ces Sealings à suivre absolument.

Alors bonne écoute, et à bientôt !

Alex

lundi 5 septembre 2016

Future - EVOL (2016)


  Le problème avec les artistes du genre de Future, c'est le revers de la médaille d'une de leurs qualité : la productivité. Les mixtapes et albums sortant au rythme effréné de 3 ou 4 par an, la créativité s'émousse, les automatismes s'installent, et on fait vite un peu toujours la même chose. D'autant plus que les producteurs sont toujours les mêmes, et eux aussi, ultra sollicités, proposent souvent une formule davantage qu'une musique originale.

  Pourtant, à force de creuser le même sillon, on acquière une certaine maturité, on explore à fond son art jusqu'à en maîtriser les moindres aspects techniques. Et quand on a une vision cohérente, et une certaine volonté d'aller droit au but, des pépites de talent raffiné peuvent en jaillir. Et c'est le cas ici. Je suis toujours en décalage avec Future. Par exemple, l'an dernier, quand la critique a encensé son DS2 (que j'ai adoré mais trouvé un poil long et manquant de structure... Vendu comme un album mais plus proche de la mixtape), je lui ai préféré le snobé (mais un peu réhabilité depuis) What A Time To Be Alive, avec Drake. Plus concis, plus long en bouche, avec des sommets moins hauts mais une certaine constance appréciable. Et puis surtout, des instrumentaux qui se détachent, qui ont une vraie personnalité propre, ce qui permet à Future d'envoyer un flow unique pour chaque morceau. Et qui marquent l'oreille. Et bien, c'est tout pareil ici... Et l'album a été plutôt mal reçu.

  Pourtant, "Ain't No Time" et "In Her Mouth" (amis de la poésie bonsoir) accrochent tout de suite. L'ambiance droguée, dépressive, brute et sombre est toujours là, les gimmicks sont entêtants, les rythmes martèlent, et Future déploie des motifs vocaux enivrants et des refrains mémorables. Les morceaux sont concis, structurés, straight to the point. Même "Maybach", à l'instru très convenue, s'en sort grâce à son talent. Et il transcende le beat très sobre de "Xanny Family" avec cette mélopée autotunée ultra addictive, et surtout installe une ambiance incroyable grâce à la respiration du morceau, bien aéré. L'enchaînement des morceaux, ses patterns vocaux réguliers et les rythmes implacables, tout est fait pour ne laisser aucun répit et installer une ambiance dingue de transe dark.

  Le rythme change avec les pouet pouet de "Lil Haiti Baby", un peu en-dessous mais de qualité très correcte. Les synthés aigus uniques de "Photo Copied" apportent une diversité bienvenue dans la palette de sonorités, de même que le synthé basse baveux de "Seven Rings". Cependant ces trois morceaux sont un peu le ventre mou de l'album, malgré de bonnes idées dans chacun.



  Heureusement l'album est redynamisé par "Lie To Me" et son synthé cheesy tout droit sorti d'années 80 revues et perverties. Faut remonter à Honest voire Pluto pour entendre un truc aussi joyeux, pop et entraînant chez Future. Le refrain est irrésistible, le morceau est top. "Program", un peu répétitive mais correcte, réinjecte un peu de noirceur avant un autre sommet, "Low Life", qui est une réécriture d'"Often" de The Weeknd, en présence de l'intéressé. Le côté fusion entre hiphop dark et rnb/pop est génial, on croirait que le morceau a été écrit par les deux tant la synergie est palpable. La diversité de l'album est là encore réhaussée par ce titre. Ainsi que par le suivant, le presque rock psychédélique et planant "Fly Shit Only" au flow véloce hypnotisant qui rappelle (pour la prouesse vocale et la dextérité du phrasé) le "Just Might Be" du concurrent Young Thug, sur le merveilleux Barter 6 sorti l'an dernier. Avant de conclure par un "Wicked" plus classique mais qui claque.

  Bref, l'album n'est pas exempts de défauts ni de répétition. Mais avec un peu plus de concision et de diversité dans les morceaux, Future nous offre un album très solide, et une vraie réussite (que vous pouvez écouter en suivant ce Lien Spotify).

Bonne écoute, merci pour votre lecture et vos commentaires, et à bientôt !

Alex


samedi 3 septembre 2016

La ressemblance troublante : Foxygen vs Wild Nothing

  Depuis la première écoute du dernier Wild Nothing, j'ai toujours trouvé une immédiate ressemblance du magnifique morceau-titre "Life Of Pause", et plus particulièrement du refrain, avec "How Can You Really", génial single de Foxygen extrait de leur troisième album, ...And Star Power, bordélique mais pas avare en perles de ce genre. Ecoutez vous-même, et donnez moi votre avis.

  Pour ma part, je trouve cette ressemblance amusante, je pense qu'il s'agit d'une coïncidence, et dans tous les cas j'adore ces deux morceaux, et ça me fait une occasion de vous les faire découvrir ou réécouter !




Alex